Avant de vous donner mon avis sur l’anime Solo Leveling, il convient de faire un petit retour en arrière pour vous présenter ce véritable phénomène éditorial, depuis 3 ans dans les librairies. Avec son univers original et son mélange des genres notamment SF et Dark Fantasy, il plonge le spectateur dans une intrigue aux implications multiples. Une série fraichement débarquée sur CrunchyRoll.

Cette critique de Solo Leveling est aussi disponible en vidéo ci-dessous :

Solo Leveling : roman web, jeu vidéo, manwha, anime…

La rencontre avec Solo Leveling s’est faite comme souvent grâce à une recommandation de mon ami Ram qui me conseille de lire le webtoon Solo Leveling (un manwha, un manga coréen publié en ligne si vous préférez) qui devrait me plaire par son mélange de genres et son univers original. Je me fais une petite note mentale qui a pas tout à fait fonctionné comme prévue.

A l’origine, Solo Leveling est une série de romans webs écrites par Chugong sur KakaoPage avec d’être éditée par D&C Media chez Papyrus. Ils ont été ensuite adaptés en webtoon et dessinés par Dubu (Jank-Sung Rak, patron de Redice Studio) à partir de 2018 jusqu’en 2021. En France, les amateurs de nouveautés l’auront déjà repéré chez Delcourt d’abord en ligne sur la plateforme VeryToon et l’application Piccoma depuis septembre 2022. En parallèle, la série est éditée en format physique chez le label Kbooks (spécialiste de la bande-dessinée coréenne) des éditions Delcourt depuis 2021. Voilà pour le wiki éditorial.

Si je n’ai pas suivi le conseil de mon ami Ram de me consacrer à la lecture de ce manwha, je me suis rappelé le nom un soir devant CrunchyRoll pour tomber ensuite sur la première saison de l’anime que j’ai lancée dans la foulée. Adapté par le studio japonais A-1 Pictures connu pour ses nombreuses adaptations notamment celle de Fairy Tail ou de Sword Art Online ou encore Seven Deadly Sins ainsi que des adaptations de jeux vidéo comme la série des Persona ou encore plus récemment NieR Automata Ver 1. 1a dont je vous parlerai peut-être prochainement. L’anime est sorti dès ce mois de janvier et est disponible depuis quelques mois en France. Un jeu vidéo Solo Leveling : ARISE est aussi sorti en mai 2024 sur PC et mobiles. 

De la SF à la Dark Fantasy

Le manga commence dans un monde moderne qui a changé qu’on pourrait qualifier de futur proche d’un point de la technologie. L’origine de ce basculement se situe 10 ans avant le début de l’histoire par l’apparition de portails apparaissant partout dans le monde, ouvrant des passages vers des donjons et des univers parallèles peuplés de monstres en tous genres dont la plupart semblent issus du bestiaire de la fantasy et du fantastique comme par exemple des gobelins, des loups, des chevaliers.

Parallèlement à cette invasion, par effet de balancier, certains humains ont acquis des pouvoirs et capacités surnaturelles à travers ce que l’on a appelé l’Éveil afin de lutter contre cette menace existentielle pour l’humanité. Ces personnes, appelés Chasseurs, sont chargés de combattre les monstres issus des portails. Le principe étant que si un portail n’est pas refermé par la complète annihilation des créatures au sein d’un donjon, ces dernières émergent du portail pour tout dévaster. En dix ans, le monde s’est donc adapté à la possible extinction de l’humanité et a complètement organisé et intégré l’émergence des portails à la vie quotidienne. C’est un monde où tout les chasseurs sont limités par leur potentiel et rang de départ avec aucune autre capacité d’évolution que celle de l’entraînement que tout le monde peut faire, mais aussi par l’acquisition d’armes et d’armures d’un meilleur niveau.

Le modèle du MMORPG

Le principe des guildes, des donjons, des rangs et des classes invoque tout de suite l’univers qui fait irrémédiablement penser aux MMORPG. C’est donc un genre de jeux vidéo associant le jeu de rôle et le jeu en ligne massivement multijoueur, permettant à un grand nombre de personnes d’interagir dans un monde virtuel. Sauf que dans Solo Leveling, ce n’est pas un avatar créé de toutes pièces qui prend les coups à notre place mais son propre corps, les chasseurs mettent directement leurs vies en jeu pour exterminer les créatures et récupérer des ressources.

Ainsi, une grande partie des mécanismes de MMO est convoquée avec les boss, le loot, les mobs, les classes, etc. Comme très souvent dans les jeux de rôles, le système de classification via les lettres est mis en place selon la logique décroissante E, D, C, B, A et S pour le rang ultime. Ces lettres catégorisent tous les éléments de l’univers de ce type de jeux mais aussi l’univers de Solo Leveling, à commencer par les personnes eux-mêmes qui sont triées par un test de puissance préalable réalisé par les guildes. Les chasseurs sont affectés dans les différents rangs et ont accès ainsi aux donjons qui sont classés de la même façon. A titre d’exemple, dans les premiers épisodes, le donjon est ainsi de rang D et le groupe est composé de personnes allant du rang B à E. Bref le rang prédétermine tout : les ressources trouvées dans les donjons, les armes, les armures, tout est classé selon ce système de rang.

De la même manière, les groupes qui affrontent les monstres sont construits sur le même modèle avec le tank qui encaisse les dégâts, le guérisseur, le mage, le DPS qui inflige un maximum de dégâts, le voleur ou l’assassin dont la spécialité sera les coups critiques après s’être dissimulé. On peut ainsi imaginer tous les croisements possibles mais dans Solo Leveling, on n’a pas affaire a priori à de vrais multi-classés. La classe étant elle aussi déterminée par le test d’origine dont je parlais plus tôt sauf en cas de double éveil ou du cas très particulier du héros de l’histoire Sung Jin-Woo que nous allons voir maintenant.

Seul contre tous : Darks Souls Origins

La particularité et la thématique principale de Solo Leveling transparait dans le nom lui-même : Et si un seul personnage était capable d’augmenter ses capacités dans un monde régi par le fait qu’il est impossible d’évoluer façon RPG. Pour que ce soit plus clair pour un non-adepte des Jdr (NDLR : jeux de rôle) . Imaginons une personne qui soulève de la fonte tous les jours pendant un an, elle gagnera en force, endurance. Ensuite, pendant, un an, elle stoppe tout entraînement, elle aura perdu une grande partie du bénéfice de l’année précédente. Dans un Jdr, toute acquisition est définitive, cela par le principe impossible à retranscrire dans le monde réel : le level (ou niveau) . Jin-Woo peut quant à lui, évoluer via le Système, les caractéristiques classiques comme la force, l’endurance, l’intelligence, la vitesse, et j’insiste sur ce point de manière définitive. Le Système lui impose ainsi un système de quêtes quotidiennes comme dans un MMO qui favoriseront son évolution, des donjons obligatoires (différents des portails) et des quêtes spéciales qui en cas de non-respect auront de lourdes conséquences.

Parmi l’ensemble des RPG, Solo Leveling m’a fait penser à Dark Souls par son ambiance dark fantasy qui imprègne notamment les deux premiers épisodes mais aussi à d’autres moment comme avec le chevalier rouge. La narration environnementale de l’anime donne, dans cette première saison, peu d’éléments sur le pourquoi des portails, des donjons et des créatures. Les aspects mythologiques qui émergent avec les créatures que les chasseurs affrontent sont eux aussi peu développés pour le moment. Le fait aussi que Jin-Woo se retrouve seul face à un monde d’adversités, qu’elle provienne des monstres eux-mêmes, mais aussi dans les confrontations à d’autres humains aux intentions moins louables (en quelque sorte d’autres personnages-joueurs que sont les autres chasseurs) m’ont guidé dans cette filiation qui n’engage que moi.

Genre Isekai, dimensions politiques, épiques et philosophiques

Ce qui m’a plu aussi dans Solo Leveling, c’est qu’il détourne à sa manière les codes du genre bien connu des amateurs de mangas et d’anime, populaire depuis la fin des années 2000 : le genre Isekai. Dans ce sous-genre de la fantasy japonaise, l’intrigue tourne autour d’un personnage transporté/téléporté, piégé, ou réincarné/ressuscité dans un univers parallèle parfois avec de grands pouvoirs, parfois en bas de l’échelle. Ici, c’est les dimensions parallèles qui envahissent le monde du personnage entrainant une sorte conjonction des sphères permanente comme dans l’univers de The Witcher. Dans Solo Leveling, cela se double d’une forme de double éveil dont l’on vient de parler pour le personnage principal avec les pouvoirs que l’on vient de parler. Petite parenthèse :  c’est pour moi, une petite madeleine de Proust avec des œuvres références comme Alice au pays des merveilles, le Magicien d’Oz ou encore le film Evil Dead 3 de Sam Raimi dans lequel le personnage principal issu de notre monde est transporté dans le monde arthurien devant affronter une horde de morts-vivants. C’est un sujet en soi.

D’autres aspects amorcés dans la série m’ont aussi bien intéressés comme l’aspect politique et économique qui transparait dans la série. Par exemple, les guildes qui ont en leur sein des chasseurs de rang S, disposent d’un énorme pouvoir politique et agissent comme des multinationales, chassant les futurs talents via un système de recrutement en leur proposant des multiples avantages. Le fait qu’elles soient les seules à pouvoir intervenir dans les donjons créé des conflits avec les états et les autres sources de pouvoirs comme les grandes entreprises. C’est d’autant plus prégnant que les ressources issues des donjons et la création d’objets magiques produit une manne financière importante. Le fait aussi que les chasseurs soient vus comme des héros, voire des super-héros renforcent cet effet. Plus original encore, la mention que les cristaux obtenus au sein des donjons puissent être un jour proche convertis en énergie, bouleversant de manière durable l’écosystème planétaire.

D’autres enjeux narratifs qu’explorent la série m’ont aussi intrigué notamment à travers la dimension éthique. Tout ce qui concerne les donjons est règlementé et surveillé de près. Cela n’empêche pas les morts et les disparitions des chasseurs dans les donjons pour des causes autres que les monstres. Ainsi se reflète dans ces autres dimensions les horreurs que l’on peut retrouver dans le monde réel. Il y a aussi dans cette première saison, une vraie dimension épique en suivant le parcours de quelques chasseurs de rang S, avec la mystérieuse et terrifiante île de Jeju, cela en parallèle de la non moins extraordinaire évolution de Sung Jin-Woo.

Et je terminerai par une question philosophique concernant les rapports qu’il y a entre l’évolution statistique du personnage de Jin-Woo et celle de sa psyché. Celle-ci change radicalement ainsi que son aspect physique au fur et à mesure de sa progression. Est-ce l’influence des caractéristiques qui l’ont fait changer ou sa volonté de changer ainsi que les actes qui lui permettent de faire ces changements qui sont à l’origine de ses transformations ? Je laisse la question ouverte même si j’ai trouvé la transformation du personnage un peu trop brutale et radicale.

Conclusion de cette critique sur l’anime Solo Leveling

Pour conclure cet article, parlons un peu de l’animation et du chara-design qui sont réussis dans l’ensemble. A défaut d’être extraordinaire, le travail des dessinateurs et des animateurs privilégie la fluidité et la lisibilité restant dans un certain classicisme au niveau de la représentation. L’accent est mis sur la violence et le sang qui font parfois basculer la série vers l’horreur. Plus que des qualités narratives étonnantes, la première saison de Solo Leveling s’attache à construire son personnage principal et son univers dans une ambiance sombre mettant en avant les contradictions de l’humanité. Si je n’ai pas lu encore, ni les romans, ni les adaptations en bande-dessinée déjà culte, l’anime de par ses enjeux définis lors de cette saison 1 peut les rejoindre en misant sur ses atouts et en gagnant en qualité même si elle ne manque pas de défauts. Si elle reprend les codes et limite du genre Isekai, certaines problématiques liées à ce genre sont vraiment abordées de manière originale.

Elle constitue, pour moi, une bonne concrétisation du « Et si » cher à Bernard Werber. Entre le « Et si un personnage est capable d’évoluer façon RPG dans un monde où les autres ne le peuvent pas » que propose le pitch de la série, je préfère celui-ci : « Et si le personnage pour dépasser sa condition et l’injustice qu’il vit au quotidien grâce à un pouvoir qu’on lui donne ne deviendrait-il pas tout ce qu’il déteste ». Solo Leveling interroge et reprend à sa manière l’éternelle question de qui de l’homme ou de la créature est le monstre.

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