Avant de démarrer la critique de Windfall, commençons par présenter son pitch. Un cambrioleur désabusé se laisse surprendre par les propriétaires de la villa qu’il « visitait » et se voit contraint de les prendre en otage. S’ensuit un récit schizophrène qui frôle le chef-d’œuvre mais finit par s’écraser lamentablement.

Oui, je sais c’est bizarre de révéler que la fin du film est nulle dans le pitch, mais si j’avais prêté plus d’attention à la campagne de communication qui a entouré sa sortie j’aurais su que c’était dans la promesse de ses auteurs, donc je décide de souligner cet aspect dès le début, histoire de vous épargner de vains espoirs.

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Un début brillant

On démarre notre récit avec Nobody (tel qu’il est crédité, il n’est jamais nommé), incarné par Jason Segel (How I Met Your Mother) qui évolue dans une villa en faisant plus ou moins la gueule. Mélancolie ? Dégoût ? Agacement ? On ne le saura jamais vraiment, mais le comportement intrigue, pèse, la mise en scène donne du volume à cette oisiveté, à ce temps perdu, semble lui donner une importance folle (spoiler : ça n’est pas important) jusqu’à ce qu’il reçoive un message sur son téléphone, un signal ? un rendez-vous ? un avertissement ? (spoiler : on ne le saura jamais non plus), suite à quoi il se décide à revenir à l’intérieur de la villa, emportant ce qu’il trouve de valeur comme s’il y pensait pour la première fois et se prépare à partir lorsqu’une voiture approche.

Ce sont « CEO », le propriétaire de la villa incarné par l’excellent Jesse Plemons (Friday Night Lights, Breaking Bad) et « Wife », sa magnifique femme (Lily Collins, Emily in Paris) qui rentrent chez eux. Ils remarquent au passage que les fleurs qu’ils avaient commandées pour leur arrivée n’ont jamais été livrées, et en font tout un pataquès (spoiler : ça n’a aucune importance)
Advient alors l’inévitable rencontre entre Nobody et le couple et rien ne se passe comme on l’aurait prévu.

Contrairement à ce qu’on attendrait de ce genre de thriller, Nobody est gauche et inexpérimenté, on sent que la seule chose qui l’anime est l’envie de rentrer chez lui. Le couple, quant à eux, n’en est visiblement pas à son premier rodéo et aborde l’intrusion, puis la prise d’otage, comme un inconvénient du quotidien. Cette inversion des rôles fonctionne très bien et frôle parfois la comédie tout en laissant lentement monter la tension.

Nobody surpris par CEO et Wife
Oh non, j’ai attendu toute la matinée qu’ils arrivent et maintenant ils sont là, que faire ?

Un développement maîtrisé

De bourdes en déconvenues, Nobody est contraint de serrer la bride au couple à mesure qu’il se rend compte de la merde noire dans laquelle il s’est mis. Si une solution à l’amiable semble en permanence à portée de main et proposée à de nombreuses reprises par CEO, Nobody oscille entre méfiance de bon aloi et naïveté catastrophique, les allers et retours entre ces deux états se multiplient jusqu’à un point de non-retour surprenant. Encore une fois, le traitement apporté au récit fonctionne très bien, on a envie de faire confiance aux promesses du couple tout en gardant à l’esprit une petite voix qui nous dit que « ça pue ». Entre deux anecdotes on en vient tout de même à se poser la question des motivations de Nobody. Apparemment le cambriolage n’était pas son premier motif, il avait tout le temps du monde de partir avec une œuvre ou une babiole coûtant probablement le prix d’une petite maison quelque part dans le trou du cul de l’Amérique.

Et c’est là que le film devient passionnant (spoiler : non) . Enfermé dans ce huis-clos parfois très contemplatif avec nos pensées, on se met à élaborer des théories, quelle est la raison de la présence de Nobody en ces lieux ? Pourquoi avoir visiblement attendu le retour du couple ? Qui était l’auteur du message reçu par téléphone ? Et puis une suggestion incongrue par-ci, une discussion autour du feu par là, on commence à y voir un peu plus clair (spoiler : non) et à se faire une idée de ce qu’on attend du final qui approche (spoiler : on va être très déçu.)

Ça vous dit une séquence de course-poursuite façon Benny Hill dans mon verger ?

Un final en eau de boudin

Et là, depuis je début de cette critique de Windfall je vous taquine avec mes « spoilers », mais cette fois c’est sérieux, on va entrer dans le vif de la zone spoiler, donc si je ne vous ai pas découragé de voir ce film, qui reste un spectacle très agréable jusqu’à sa dernière partie, je vous conseillerais d’arrêter de lire ici.

Tout ce qui suit est mon avis très subjectif et dévoile massivement l’intrigue.

Depuis le premier regard échangé entre Wife et Nobody, difficile de ne pas s’imaginer qu’ils se connaissent, c’est vrai quoi, c’est quoi cette absence totale de réaction face à un étranger chez soi ? Ou plutôt une réaction du genre « ah mais t’es encore là ? » Partant de là on ne peut s’empêcher de chercher la nature de cette relation. Comme on ne peut s’empêcher d’essayer de deviner l’auteur du SMS reçu par Nobody au tout début du film, un message qui l’avertit visiblement que le couple revient, par Wife qui voudrait soutirer de l’argent à CEO par son intermédiaire (un truc qui arrive régulièrement apparemment), par CEO (dans un fantasme un peu tordu de voir un cambrioleur baiser sa femme, ce qu’il propose volontiers), par son assistante (dont on ne sait pas grand chose), ou une personne complètement étrangère à l’intrigue (ce qui n’aurait aucun intérêt) ? Il y a assez peu de personnages et d’événements dans ce film pour qu’on ne puisse s’empêcher de lire du sens dans les micro-événements et détails qui jonchent le récit, d’élaborer des théories, de prévoir la suite des événements. Quel elle l’importance de l’absence de fleurs ? De ce que représentait le tatouage ? Autant d’éléments qui semblent enrichir une trame, de symboles qui semblent porteurs de sens, qui focalisent notre niveau de lecture au premier degré de par leur abondance, leur aspect cryptique et leur importance apparente, mais qui finalement tombent à plat, et ne se révèlent que des red herrings sans grand intérêt.

Pour la petite histoire j’avais eu l’intuition que Wife était peut-être l’ex de Nobody. Cette (fausse) information m’a donné l’illusion que la discussion au coin du feu était une scène extraordinaire. Alors qu’elle se confie, il lui reproche de ne pas vouloir d’enfant sans l’avouer à CEO, on sent toute la frustration larvée qui s’échappe de Nobody malgré lui, il semble lui reprocher de faire à CEO ce qu’il a vécu lui-même, ils semblent parler à la troisième personne pour mettre de la distance dans une discussion qu’ils n’ont jamais pu avoir à cœur ouvert, c’est juste génial. Sauf que non, en fait rien de tout ça n’est confirmé et est même infirmé par le final, c’était juste mon imagination. Mais alors pourquoi ? Que fait Nobody dans cette villa ? (et qu’on ne me fasse pas croire que « voir ce que ça fait de vivre dans la maison de celui qui l’a viré » soit la vraie raison)

On pourrait débattre des heures, reste que le final ne semble correspondre à aucune théorie satisfaisante à moins de l’y faire rentrer au chausse-pied et il semblerait qu’il faille accepter que l’histoire se détourne de Nobody pour faire de Wife son véritable personnage central.

En creusant un peu je suis tombé sur une interview de Charlie McDowell (réalisateur) qui admet avoir réalisé une fin volontairement confuse afin de laisser à chacun l’opportunité de se faire sa propre idée. Mais ça marche pas comme ça les fins ouvertes bordel ! Tu peux pas nous asséner un coup de massue au hasard et nous dire « par contre tu décides pourquoi je te l’ai mis, je te préviens j’ai pas la réponse ».
Après d’autres lectures glanées ici ou là (dont j’ai perdu la source depuis, désolé) il faut croire que Charlie McDowell, Justin Lader, Andrew Kevin Walker et Jason Segel, les quatre auteurs de cette histoire avaient des visions assez divergentes pour qu’il soit décidé de choisir la fin la plus foutraque possible avec l’espoir que le spectateur y trouvera son compte.

En conclusion de cette critique, Windfall est un film bourré de bonnes idées, porté par des acteurs de talents, une réa et une mise en scène impeccables, simplement gâché par un final aussi abrupt qu’incongru déposé paresseusement en conclusion d’un récit qui méritait clairement mieux. Un film aussi agréable à regarder que décevant à conclure.

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