Dans les salles de cinéma françaises depuis le 14 février, Bob Marley : One love retrace les dernières années du plus célèbre des rastafaris. Un film qui attaque donc un sujet ambitieux, mais dont les choix intérrogent dès le début. Déjà, n’aurait-il pas été plus intéressant de revenir plutôt sur son parcours et sur ce qui a fait de Bob Marley une star internationale ? Ce biopic tient-il toutes ses promesses ? Je vous donne quelques éléments de réponses dans cette critique de Bob Marley : One Love.
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Des choix scénaristiques criticables
Bob Marley : One love démarre donc en 1976, cinq ans avant la mort du chanteur jamaïcain, déjà star internationale à ce moment-là. La Jamaïque se trouve alors en pleine campagne électorale, et c’est dans un contexte politique très tendu que Bob Marley (Kingsley Ben-Adir) est la cible d’une fusillade à son domicile à Kingston, en pleine répétition avec son groupe. Le film suit donc son exil en Angleterre à la suite de cet attentat raté et sa remise en question pendant l’écriture de l’album Exodus, jusqu’à son décès en 1981.
Comme évoqué en introduction de cette critique de Bob Marley : One Love, on peut s’interroger sur le choix de se concentrer sur ses cinq dernières années, qui n’était pas le meilleur angle à prendre selon moi. Quand on décide de faire un biopic sur un artiste aussi influent, qui a un statut d’icône qui va bien au-delà de sa musique, j’estime qu’il est plus intéressant de se pencher sur les raisons qui ont fait de lui un symbole de paix et pourquoi son message et sa musique ont eu une résonance internationale. Autre choix contestable, le scénario de Bob Marley : One love se concentre beaucoup trop sur la relation de Bob Marley et son ex-femme Rita Marley (Lashana Lynch) . De l’autre côté, on évoque à peine sa relation avec Cindy Breakspeare, mère de Damian Marley, qui a beaucoup plus marqué les dernières années de sa vie et inspiré certaines de ses chansons d’amour les plus connus (Turn Your Lights down Low et Three Little Birds) .
Bob peut-être, mais pas Bob Marley
Si l’histoire que nous raconte le réalisateur Reinaldo Marcus Green manque d’intérêt, l’autre gros point négatif du film se trouve dans l’interprétation moyennasse proposée par Kingsley Ben-Adir pour incarner Bob Marley. Du début à la fin on n’y croit pas. On ne voit pas Bob Marley à l’écran, mais un comédien jouer Bob Marley, et ça change tout. Une prestation qui fait pâle figure face à celles, par exemple, de Rami Malek ou encore Jamie Foxx, qui ont raflé l’Oscar du meilleur acteur en jouant respectivement Freddie Mercury (Bohemian Rhapsody) et Ray Charles (Ray) .
Certes la comparaison est peut-être injuste pour le comédien britannique, mais lorsqu’on accepte un rôle comme celui-ci il faut prendre ses responsabilités et faire le job. Alors attention, Kingsley Ben-Adir ne loupe pas tout. Son travail de mimétisme est assez convainquant, notamment sur la manière de danser de l’artiste ou sa façon de chanter. Mais Bob Marley était beaucoup plus qu’un simple chanteur. Il transpirait l’engagement politique et était en total adéquation avec ses convictions. Un trait de sa personnalité que l’on ne ressent pas du tout dans Bob Marley : One love. Malheureusement il ne suffit pas d’enfiler une perruque style dreadlocks, s’envoyer des splifs à l’écran et se la jouer « cool attitude » pour incarner « Bob ». Il faut apporter beaucoup plus que cela. Et c’est bien dommage, car un biopic réussi passe inévitablement par une prestation grandiose.
Pas de grands films sans grands moments
Il serait tout de même injuste de rejeter toute la faute sur les seules épaules de Kingsley Ben-Adir, car là où le film déçoit surtout c’est dans son absence de scènes marquantes. On apprécie évidemment d’entendre tout au long du film les plus grands tubes du chanteur jamaïcain. Mais ce qui valait pour l’interprétation de l’acteur vaut aussi pour le réalisation : il ne suffit pas de mettre un personnage qu’on appelle « Bob Marley » et de remplir la bande sonore du film avec le best of acheté 12,99€ à la Fnac du coin pour faire un film biographique. Du moins ce n’est pas suffisant pour faire un film mémorable et à la hauteur du personnage principal.
Il y avait pourtant matière à faire beaucoup mieux. Comme par exemple en exploitant beaucoup mieux le concert Smile Jamaica à Kingston que Bob Marley a tenu à faire 3 jours après la fusillade évoquée plus haut, et qui est au final assez vite éclipsé dans le film. Ou encore sa présence marquante au concert One Love Peace Concert, lors de son retour en Jamaïque après un an d’exil, et qui manque totalement de saveur dans le film. La faute à la réalisation très timide et peu inspirée de Reinaldo Marcus Green. Quelques plans immersifs depuis la foule auraient été la bienvenue. Bob Marley était une bête de scène, et pourtant le film n’arrive pas à nous le faire ressentir. Ce qui est d’autant plus dommageable sachant que c’est une des forces du jeu d’acteur de Kingsley Ben-Adir. J’aurais aussi apprécié une mise en scène qui prend plus le temps d’installer l’ambiance autour des concerts et sur le climat tendu en Jamaïque. Cela aurait permis d’expliciter les attentes qu’il y avait autour de Bob Marley et ainsi de mieux mesurer son influence politique. Au final le film manque de vrais enjeux et Bob Marley : One love aurait été beaucoup plus réussi avec des séquences fortes en émotions.
Conclusion de ma critique de Bob Marley : One love
Adapter la vie d’une personnalité mondialement connue et ultra populaire est un exercice casse-gueule et malheureusement Bob Marley : One Love s’en sort globalement assez mal. D’un point de vue purement cinématographique c’est un film qui se laisse suivre sans difficultés et que l’on prend même plaisir à regarder, comme la partie qui s’attarde sur la création de l’album Exodus, qui arrive à nous faire ressentir les doutes et les blocages de l’artiste tout en mettant en scène son procédé créatif de manière crédible. Mais le film est vite rattrapé par ses faiblesses, et en terme de biopic, le film déçoit et m’a laissé sur ma faim, avec le sentiment d’avoir vu un film qui raconte tout sauf ce qui a fait de Bob Marley une légende.
Fondateur de zeGeeks, rédac’ chef, responsable éditorial, graphiste, monteur vidéo, webmaster… en un mot le « métronome » du média. Reconnu pour accomplir diverses tâches avec sa bite et son couteau (suisse) . La légende dit qu’il serait le fils caché d’Hideo Kojima et d’Akira Toryama.